Près de deux ans après le lancement officiel de DIGICASH sur le marché luxembourgeois, M. Gilbert Ernst, membre du Comité de Direction de la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, Luxembourg et membre du Conseil d’Administration de l’Euro Banking Association (EBA), dresse pour nous un bilan intermédiaire en tant que première banque émettrice de la solution.
M. Ernst, quelle est la vision de la BCEE en matière de paiements et quelle tendance suivez-vous ?
En matière de paiements électroniques, la BCEE a toujours adopté une position de précurseur au Luxembourg, comme ce fût par exemple aussi le cas avec l’intégration de DIGICASH. Nous entendons ainsi répondre à la demande croissante de notre clientèle pour des solutions plus simples et innovantes ainsi que pour répondre à celle des entreprises pour la création de nouveaux moyens de paiement.
La grande majorité des personnes disposent aujourd’hui d’un Smartphone ou d’une tablette, des appareils qui les accompagnent dans la vie courante (communiquer, s’informer, jouer, s’orienter…). Cette tendance à toujours plus de mobilité influe directement sur les attentes des clients et en particulier au niveau bancaire. Les clients sont déjà habitués à utiliser quotidiennement leurs produits e-banking et à bénéficier d’un niveau de sécurité éprouvé et donc de sérénité. Le défi est aujourd’hui de proposer encore plus de mobilité à nos clients dans leurs opérations bancaires de tous les jours.
Pour cela, nous nous sommes montrés à l’écoute des opportunités technologiques offertes par le marché ainsi que sensibles aux différents modèles s’offrant à nous. DIGICASH s’est révélée être une solution parmi les plus à même de répondre à nos différentes contraintes et ambitions.
En tant que banque de détail, quels sont les arguments qui vous ont justement poussé à adopter la solution DIGICASH ?
Comme précisé précédemment, nous tâchons d’identifier à la BCEE les tendances futures et nous nous préparons à l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché des paiements. La banque retail traditionnelle est aujourd’hui challengée par de nouveaux acteurs, des « services providers » ou « third party providers » qui la poussent à innover avec des solutions nouvelles. Ces nouveaux acteurs ne m’effraient plus : au lieu de voir en eux des concurrents, nous les envisageons en partenaires et croyons au potentiel qui en découle et au bénéfice mutuel. Les intérêts convergent et aboutissent à des situations win-win comme cela a été le cas avec Payconiq International.
Ainsi, en tant que banque de détail, le modèle de la solution DIGICASH (basé sur les virements bancaires SEPA) a retenu toute notre attention. Son principal avantage réside en effet dans le fait que celle-ci nous permet de garder un contact direct avec nos clients, sans aucune désintermédiation. Nous gérons nous-même la configuration de l’application ce qui nous permet de garder la main sur notre relation avec notre clientèle. En mettant à leur disposition ce nouvel outil de paiement, en plus des produits “mobile banking” habituels, la solution nous permet même de multiplier les « touch points » avec nos clients qui disposent d’un accès supplémentaire direct à leur compte bancaire. Une solution comme DIGICASH permet donc à une banque de détail de bien se préparer à l’évolution du marché qui se traduira notamment par l’arrivée de plus en plus de nouveaux acteurs dans le secteur des paiements.
Enfin, en plus d’une réduction des coûts d’émission de cartes et de gestion par la dématérialisation, DIGICASH a été également un moyen efficace de nous préparer au mieux à l’évolution actuelle du modèle économique des banques émettrices d’instruments de paiement. DIGICASH est un moyen pour diversifier et améliorer l’offre d’outils proposés non seulement au payeur, mais également au commerçant, en lui procurant des services à haute valeur ajoutée. Cette approche permet donc de mieux accompagner cette évolution en l’occurrence par une réduction des coûts de mise en place et de gestion du côté bancaire, tout en diversifiant l’offre de produits et services au payeur et au commerçant.
En parlant justement de tarification, nous proposons DIGICASH pour le moment gratuitement à notre clientèle privée pour effectuer des paiements. Du côté des commerçants, nous avons opté avec Payconiq International pour un modèle qui positionne le produit à une échelle comparable à celle appliquée aux cartes en termes de tarification. Pour la banque de détail, il n’y a donc pas d’automatisme « paiement mobile = diminution des revenus ». Au contraire, pour une banque, c’est une opportunité pour se positionner différemment, et convaincre par un produit et des services à haute valeur ajoutée pour tous les membres de l’écosystème.
D’un point de vue opérationnel, comment est opérée la solution DIGICASH au Luxembourg et comment s’est déroulée son intégration dans votre banque ?
DIGICASH est le cas d’une innovation “mutualisée”, où toutes les principales banques de détail du Luxembourg ont finalement adopté la même solution de paiement. Ainsi, l’accès à une infrastructure accessible à toutes les banques opérée par une société indépendante incarnée par Payconiq International, qui développe et met à jour les applications de chacune des banques, nous aura évité de développer en interne des infrastructures lourdes et couteuses. L’intégration de DIGICASH à notre système de paiement aura ainsi été simple et rapide en ne nécessitant qu’une centaine de jours/homme.
Nous avons été ainsi les premiers à travailler en collaboration avec Payconiq International qui avait vocation à se développer et à s’ouvrir à d’autres banques de détail. Au début, nous n’avions pas de culture de gestion d’une telle collaboration avec un nouvel acteur, mais nous avons appris rapidement, et le partenariat est vite devenu très dynamique et efficace. Et cela va d’ailleurs bien au-delà des aspects techniques et purement opérationnels : les équipes de Payconiq International coordonnent les actions « marketing » avec et entre les différents services concernés afin de tirer un maximum de profit des opportunités, pour les aspects fonctionnels, stratégiques et marché. Notre partenaire définit en concertation avec chacune des banques les grandes orientations à donner à la solution, notamment en termes de développement produit avec de nouvelles fonctionnalités comme le paiement « peer-to-peer ».
Quel bilan pouvez-vous désormais tirer de ces deux premières années de mise en production et quelles sont les principales pistes de développement à venir ?
Après deux années de mise en production, environ 7,5% de nos clients « home banking » ont téléchargé la solution DIGICASH. Ce chiffre en constante augmentation devrait vraisemblablement bondir dans les semaines à venir avec le lancement d’une première campagne de promotion à grande échelle dans le pays. Un autre fait marquant de la solution DIGICASH concerne la sécurité. Depuis deux ans, nous n’avons recensé aucun cas de fraude.
Pour ce qui est de l’avenir, DIGICASH permet désormais à la quasi-totalité de la population d’avoir accès à la solution par l’adoption effective du produit par les quatre grandes banques retail au Luxembourg, déjà émettrices de la solution ou sur le point de le devenir. De plus, comme le réseau de commerçants est en passe de devenir pertinent pour plusieurs secteurs et contextes, la promotion de la solution à grande échelle peut désormais débuter. La première phase est prévue pour le mois octobre 2014 et mettra l’accent sur le paiement de facture pour lequel la solution est aujourd’hui le moyen de paiement le plus pertinent disponible, prenant moins de 10 secondes pour la réalisation d’une transaction.
D’un point de vue « produit », nous travaillons également avec Payconiq International sur le lancement d’un module de paiement de personne à personne qui devrait être lancé au début de l’année prochaine. Celui-ci sera utilisé comme « booster » supplémentaire pour établir le produit sur le marché et le faire entrer dans le quotidien du consommateur. En outre, il semble également important d’évoquer l’innovation DIGICASH Beacon qui a pour vocation de révolutionner l’expérience utilisateur sur le point de vente en proposant aux clients une expérience de paiement encore plus directe et rapide.
Enfin, d’un point de vue stratégique, DIGICASH devra faire face aux défis de la standardisation : suivre et s’adapter aux normes édictées au niveau européen et supporter des ouvertures vers des alliances et systèmes parallèles.